Actualité sociale – semaine du 10 mars 2025

ACTUALITES LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES

  1. Adoption le 12 mars 2025 en première lecture au Sénat du projet de loi DDAUE (portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne) Projet de loi adopté par le Sénat
    Le projet de loi contient les principales mesures suivantes :
    • Concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, les sénateurs ont assoupli les sanctions applicables en cas de non-respect de la directive « CSRD ». Ils ont supprimé la mesure adoptée par les députés qui conditionnait l’octroi des aides « France 2030 » au respect de la directive. Une mesure a été adoptée pour conserver la possibilité pour l’Autorité des marchés financiers d’imposer aux sociétés cotées sur le marché Euronext Growth de publier leur rapport sur le gouvernement d’entreprise.
    • Les grandes entreprises et les sociétés consolidantes des grands groupes assujetties à l’article L. 229-25 du code de l’environnement sont exonérées de l’obligation de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) si elles sont par ailleurs soumises aux obligations d’intégrer des informations en matière de durabilité dans une section distincte de leur rapport de gestion.
    • A la suite d’un amendement voté en Commission, le CSE serait désormais informé des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise au cours de l’une des trois consultations prévues par l’article L. 2312-17 du Code du travail : les orientations stratégiques de l’entreprise ; la situation économique et financière de l’entreprise ; la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, et ce au choix de l’employeur. Actuellement, le CSE doit être informé « au cours de ces trois consultations ».
    Prochaine étape : Commission mixte paritaire

2. Contrats seniors

L’ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des seniors, doit être transposé dans un projet qui devrait être adopté pour l’été.

  1. Deux mises à jour du BOSS Mises à jour du 12 mars 2025

• Prise en compte de la publication de l’arrêté du 25 février 2025 relatif à l’évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale des salariés affiliés au régime général et des salariés affiliés au régime agricole.
• Mise à jour des rubriques Aide à domicile, Contributions à la formation professionnelle et à l’apprentissage, Effectif, Epargne salariale, Exonération jeunes entreprises innovantes et jeunes entreprises de croissance, Exonérations zonées, Frais professionnels, Indemnités de rupture, Montant net social et Protection sociale complémentaire.

  1. Forte augmentation de l’absentéisme en entreprise

Résultats de l’enquête Datascope 2025 – observatoire de la vie en entreprise (AXA)
L’absentéisme en entreprise continue d’évoluer de façon préoccupante.
• Un taux d’absentéisme de 4,5% en 2024
• Une augmentation de 41% de l’absentéisme depuis 2019
• Les cadres, les femmes et les seniors sont particulièrement touchés.

  1. Lutte contre le travail dissimulé

L’Urssaf a redressé près de 1,6 milliard d’euros en 2024 au titre de la lutte contre le travail dissimulé, contre près de 1,2 milliards en 2023 et 0,8 milliard en 2022.

L’Urssaf a pour objectif d’atteindre 5,5 milliards d’euros de redressement pour la période 2023-2027.
Source : Ministère du travail

ACTUALITES JURISPRUDENTIELLES

  1. La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une série d’arrêts sur le préjudice « nécessaire »

Contrairement à la salve d’arrêts rendus le 4 septembre dernier et qui consacraient dans un certain nombre d’hypothèses le préjudice nécessaire, les arrêts du 11 mars l’écartent dans plusieurs situations.

Pour rappel, en présence d’un préjudice nécessaire, la victime n’a pas à justifier de l’étendue de son préjudice pour en obtenir réparation. L’indemnisation est automatique.

• Le défaut de respect des dispositions conventionnelles relatives au forfait en jours n’est pas de nature à constituer un préjudice nécessaire (Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-19.669 ; Cass. soc. 11 mars 2025, n° 24-10.452)
Le préjudice nécessaire n’est pas caractérisé à la suite de l’annulation d’une convention de forfait en jours en application d’un accord collectif « dont les dispositions n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé ».
Il reviendra au salarié de démontrer qu’il a subi un préjudice.
La Cour de cassation rappelle la sanction prévue en présence d’un tel manquement. Dans cette hypothèse, la violation des dispositions relatives au forfait en jours est sanctionnée par le paiement des heures supplémentaires « dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre ».
A noter : l’arrêt a été rendu malgré les conclusions contraires de l’avocat général selon lequel « le devoir de cohérence jurisprudentielle tend néanmoins à justifier également la reconnaissance d’un nouveau cas de préjudice nécessaire ». Un dépassement du fait de l’employeur de la durée raisonnable de travail garantie par l’accord de forfait peut exposer le salarié à un risque important pour sa santé et sa sécurité. Sa position n’a pas été suivie.

• Le manquement de l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé ne constitue pas un préjudice nécessaire (Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415)
Dans cette affaire, il était établi que la salariée avait été empêchée par son employeur de prendre ses congés payés au titre de l’année 2016.
Cette situation ne justifie pas pour la Chambre sociale la reconnaissance d’un préjudice nécessaire.
Il reviendra au salarié de démontrer qu’il a subi un préjudice.
La Cour de cassation rappelle la sanction prévue pour un tel manquement : dans cette hypothèse, les droits à congé payé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de congé payé en cas de rupture du contrat de travail.

Le manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit ne caractérise pas un préjudice nécessaire (Cass. soc., 11 mars 2025, n° 21-23.557)
La Cour de cassation rappelle que le travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de son état de santé (C. trav., art. L.3122-11).
Pour autant, la violation de ces prescriptions ne caractérise pas un préjudice nécessaire pour la Chambre sociale.Il reviendra, le cas échéant, au salarié de démontrer qu’il a subi un préjudice.La Cour de cassation rappelle la sanction prévue en présence d’un tel manquement : le fait de méconnaître les dispositions relatives au travail de nuit est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction. La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal.

Quelle est la grille d’analyse de la Cour de cassation ? A ce stade, le préjudice nécessaire est reconnu dans les cas suivants :

  • Le non-respect d’une obligation fixée par le code du travail ouvrant droit à réparation-
  • Le manquement à une norme européenne ou internationale d’effet direct.
    Pour mémoire, le préjudice nécessaire est caractérisé dans les hypothèses suivantes (liste non exhaustive) :
  • Dépassement de la durée maximale de travail (Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-22.281),
  • Non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives (Cass. soc., 27 sept. 2023, n°21-24.782),
  • Manquement à l’obligation de suspendre toute prestation de travail de la salariée pendant son congé maternité (Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 22-16.129),
  • Manquement au temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes dès que le temps de travail quotidien atteint six heures (Cass. soc, 4 sept. 2024, n° 23-15.944),
  • Manquement de l’employeur qui a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie (Cass. soc., 4sept. 2024, n° 23-15.944).
  1. La communication syndicale ne peut être réservée exclusivement aux organisations syndicales représentatives (Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-12.997)
    Dans cette affaire, des dispositions conventionnelles permettent à l’ensemble des organisations syndicales d’avoir recours à la messagerie électronique pour communiquer avec leurs adhérents, avec la direction ou entre elles et de disposer d’un espace syndical accessible depuis l’intranet de la société.
    En revanche, elles réservent aux seules organisations syndicales représentatives :
    • La possibilité, lorsque l’objet des messages électroniques porte sur le thème ayant fait l’objet de la négociation, d’adresser un message électronique à l’ensemble des salariés,
    • Des facilités permettant de rendre accessibles, sous forme de « lien », les sites syndicaux mis en place sur l’intranet de l’entreprise.
    La Cour de cassation, au visa du principe d’égalité de traitement en matière de communication syndicale, casse la décision d’appel qui avait estimé que les stipulations de l’accord ne portaient pas atteinte au principe d’égalité de traitement.
    Elle rattache la solution aux dispositions en matière d’affichage et la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise qui sont liées « à la constitution par les organisations syndicales d’une section syndicale, laquelle n’est pas subordonnée à une condition de représentativité ».
    Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante depuis 2011.
    Pour mémoire, depuis la loi Travail du 8 août 2016, un accord d’entreprise peut définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise. A défaut d’accord, les organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe (C. trav., art. L.2142-6).
  1. Précisions sur le motif économique tiré de la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité (Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-22.756)

L’affaire : Huit salariés d’une société pharmaceutique refusent la modification de leur contrat de travail portant sur la répartition géographique et leur rémunération à la suite de la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Le document unilatéral portant sur le PSE qui s’en est suivi a été homologué par le tribunal administratif. La discussion devant fois le juge judiciaire porte sur le bien-fondé de la réorganisation et la cause réelle et sérieuse du licenciement.

En l’espèce, la société a démontré que :
• La menace pesant sur sa compétitivité était liée à une baisse significative de ses parts de marché réalisé dans le circuit officinal de France métropolitaine,
• L’augmentation du chiffre d’affaires en 2015 était le résultat d’un effet volume lié à la forte croissance du secteur d’activité dans son ensemble. Cette tendance n’écarte pas pour autant la menace pesant sur la compétitivité du groupe pharmaceutique liée à la diminution de ses parts de marché en France conduisant à l’affaiblissement de sa position au niveau de son secteur d’activité.
La Cour de cassation considère qu’au vu de ses constations et énonciations, la Cour d’appel a pu déduire, sans pouvoir se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation, l’existence d’une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise de nature à justifier sa réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir.

Pour mémoire, voici les grands principes à avoir en tête en matière de sauvegarde de compétitivité :

  • Depuis l’arrêt Vidéocolor (Cass. soc., 5 avr. 1995, n° 93-42.690), la réorganisation d’une entreprise peut constituer une cause économique de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient,
  • Les arrêts Pages jaunes (Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.223) ont précisé que répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement.
  • Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité du risque pesant sur la compétitivité et la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise au moment où il licencie.
  • Le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci et non à celle du déclenchement de la procédure de licenciement collectif (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-19.957).
  • Les juges ne peuvent se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de cette réorganisation quand ils ne sont pas dus à une faute (Cass. soc., 8 juil. 2009, n° 08-40.046).
  1. Le sort des avantages en nature pendant la période du congé de reclassement qui excède la durée du préavis (Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-22.756)
    Pour mémoire, le congé de reclassement est un droit pour les salariés licenciés pour cause économique lorsqu’ils travaillent pour une entreprise ou un groupe employant au moins mille salariés à condition que l’entreprise ne soit pas en redressement ou en liquidation judiciaire.
    En l’espèce, les salariés demandaient réparation du préjudice résultant de la suppression par la société de leur véhicule de fonction pendant la durée du congé de reclassement.
    C’est la première décision de la Cour de cassation sur ce sujet et la Cour confirme que lorsqu’un salarié se trouve en congé de reclassement, au cours de la période dépassant la durée de son préavis, il ne peut prétendre au maintien des avantages en nature dont il bénéficiait durant le préavis : il est uniquement en droit de prétendre à l’allocation de congé de reclassement.
    Le raisonnement est le suivant :
    • Pendant la période du congé qui excède la durée du préavis, la rémunération spécifique allouée au salarié constitue un revenu de remplacement et non pas un salaire. Son montant est au moins égal à 65% de la rémunération mensuelle brute moyenne des douze derniers mois et n’est pas soumise aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires (Cass. soc., 1er juin 2022, n° 20-16.404).
    • Il en résulte que pendant cette période du congé qui excède la durée du préavis, le salarié ne peut plus prétendre au versement de son salaire habituel et au maintien des avantages en nature qui en sont le complément et dont le total constitue la rémunération brute mensuelle. Il ne peut donc plus conserver le véhicule de fonction et en revendiquer l’usage.
    Attention, pendant la période de préavis que le salarié est dispensé d’exécuter, le véhicule de fonction, qui constitue un avantage en nature, ne peut être retiré. Cette solution est expressément prévue par l’article L.1234-5 du code du travail (Voir aussi Cass. soc., 8 mars 2000, n° 99-43.091).
  1. Contestation de la désignation d’un représentant syndical au CSE (Cass. soc., 12 mars 2025, n° 24-11.467)
    Lorsque la contestation porte sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette désignation, quel que soit le motif fondant l’irrégularité invoquée (C. trav., art. R. 2314-24).
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