Reclassement interne et licenciement pour motif économique  : deux décisions intéressantes rendues le 11 septembre (1/2)

L’obligation individuelle de reclassement interne tient une place centrale dans les dispositifs de licenciement pour motif économique. Elle impose à l’employeur de rechercher et de proposer les emplois disponibles, de la même catégorie ou équivalents (voire de catégorie inférieure si le salarié donne son accord), situés sur le territoire national, dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe (pour celles dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel).(article L 1233-4 du code du travail).

Son non-respect est sanctionné par l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, au même titre que l’absence d’élément causal (i.e. les difficultés économiques, la nécessité de sauvegarder la compétitivité …) ou d’élément matériel (i.e. l’absence de suppression réelle de poste par exemple).

L’étendue et les modalités de mise en œuvre de cette obligation font fréquemment l’objet de contentieux devant les Conseils de prud’hommes.

Les deux arrêts rendus le 11 septembre dernier par la Chambre sociale de la Cour de cassation abordent deux aspects de cette obligation.

Premier arrêt : quelle est la conséquence d’une recherche insuffisamment précise de reclassement interne dans le groupe si l’employeur peut démontrer l’absence de poste de reclassement au moment du licenciement

Dans cette affaire, la cour d’appel avait considéré que l’employeur n’avait pas procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement au sein du groupe car la lettre de recherche de reclassement adressée aux sociétés se limitait uniquement à l’indication de l’intitulé de la branche d’emploi sans aucune précision sur l’intitulé ou la classification du poste occupé par le salarié.  La Cour d’appel avait conclu sur la base de ce constat que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement interne, alors que celui-ci soutenait qu’aucun poste de reclassement ne pouvait être proposé.

La Cour de cassation, après avoir énoncé qu’ « il n’y a pas de manquement à l’obligation de reclassement si l’employeur justifie de l’absence de poste disponible, à l’époque du licenciement , dans l’entreprise, ou s’il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient »  casse la décision  de la Cour d’appel au motif suivant :

« En se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme il le soutenait, l’employeur qui avait versé aux débats les courriers de réponse adressés par les autres sociétés du groupe, ne justifiait pas à l’époque de la rupture du contrat de travail de l’absence de poste disponible au sein des entreprises du groupe, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Cette décision fait écho à une décision plus ancienne, du 14 janvier 2009 (n° 07-42.056) dans laquelle la Cour de cassation avait cassé une décision d’appel qui avait retenu un manquement à l’obligation de reclassement au motif que la société avait adressé aux autres entreprises du groupe une lettre les interrogeant sur leurs possibilités de reclassement sans préciser aucun élément relatif à l’activité des salariés concernés, à leurs compétences, à leurs facultés d’adaptation, à leurs diplômes ou à leur âge. La Cour d’appel avait alors considéré que l’employeur ne démontrait pas avoir loyalement recherché des postes de reclassement. Ceci alors même qu’elle avait constaté que l’employeur avait reçu de chaque société du groupe une réponse négative excluant toute possibilité de reclassement. La Cour de cassation avait cassé cette décision pour violation de la loi.

Conclusion : même si la lettre de recherche de reclassement n’est pas suffisamment précise, il ne peut être reproché un manquement à l’employeur au titre de l’obligation de reclassement si celui-ci est en mesure de démontrer qu’aucun poste de reclassement n’était disponible.

Cette démonstration peut toutefois être difficile notamment dans les grands groupes, si les lettres de recherche de reclassement ne répondent pas aux prévisions de la jurisprudence. En effet, sauf à ce que les réponses des sociétés indiquent qu’il n’existe aucun poste vacant ou susceptible d’être créé au temps du licenciement (comme cela semble avoir été le cas dans l’arrêt de 2009), les termes de la réponse apportée par les sociétés du groupe à la demande de l’employeur seront nécessairement appréciés au regard de la précision de la demande elle-même.  

Il est donc préférable de préparer des lettres de recherches de reclassement précises afin d’éviter ce type de difficulté.

Malheureusement, concernant le contenu de ces lettres de recherche, la jurisprudence n’est pas toujours d’une parfaite cohérence et certaines décisions imposent des précisions non demandées dans d’autres (les aléas de la jurisprudence 😊).

Le dernier arrêt publié au bulletin sur le sujet date à notre connaissance de 2021 (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-11.114). Dans cet arrêt ; la Cour de cassation a considéré que la lettre listant l’intitulé et la classification de l’ensemble des postes supprimés était suffisante. Il faut toutefois suivre avec attention les décisions sur ce point et, naturellement, vérifier également les dispositions conventionnelles !

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