Faits
La société Galderma Research & Development (la société GRD), filiale du groupe Nestlé a mis en œuvre un PSE homologué par la DREETS en avril 2018.
29 salariés de la société (dont 3 protégés) avaient signé une convention de rupture amiable pour motif économique dans le cadre du PSE. L’inspection du travail avaient autorisé la rupture du contrat des salariés protégés.
Contestant notamment le motif économique de la rupture de leur contrat de travail, les 29 salariés ont saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’indemnisation de divers préjudices.
La position de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence
La Cour déclare recevable la contestation du motif économique au motif que »la convention de rupture amiable entrant dans le dispositif applicable aux licenciements pour motif économique, l’employeur doit établir l’existence d’un motif économique licite », si bien que »le salarié est dès lors recevable à contester les motifs du licenciement »
La Cour déclare également le conseil de prud’hommes compétent pour statuer sur les demandes des salariés protégés au motif que « le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur les litiges individuels relatifs à l’existence du motif économique (…) ».
Solution de la Cour de cassation
La Chambre sociale casse et annule les arrêts et réitère le principe selon lequel lorsque « la rupture du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord amiable intervenu dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires, soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement. »
Concernant les salariés protégés, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt au visa du principe de séparation des pouvoirs, de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.
« Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une décision administrative autorisant la rupture amiable dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de la rupture au regard de la cause économique ou du respect par l’employeur de son obligation de reclassement. »
Remarques
Cette décision de la Cour de cassation est une confirmation de jurisprudence.
En effet, la Chambre sociale énonce de manière constante que la résiliation d’un contrat de travail résultant de la conclusion d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un accord collectif soumis aux représentants du personnel ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi, la cause économique de la rupture ne peut, sauf fraude ou vice du consentement être contestée (Cass. soc., 8 févr. 2012, n°10-27.176 notamment).
Par ailleurs, le Conseil d’Etat retient la même position et a encore récemment rappelé que s’il « appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, notamment, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise (…) justifie le licenciement du salarié protégé, tel n’est pas le cas dans la seconde hypothèse, la rupture de la relation de travail procédant, sauf fraude ou vice du consentement, de l’accord du salarié et de l’employeur. » (CE, 3 avril 2024, n°469694).
Cette confirmation est bienvenue.
En effet, certains juges du fond continuent d’admettre la contestation du motif économique d’une rupture amiable, notamment par référence à la jurisprudence relative au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Or, en cas d’acceptation du CSP, la rupture d’un commun accord intervient en application des dispositions légales (cf. l’article L. 1233-67 : « L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. « ) et non du fait de la volonté des parties comme c’est le cas du départ volontaire par rupture d’un commun accord du contrat de travail.
Le cadre juridique est donc radicalement différent.