Faits : La salariée est engagée le 6 novembre 2008 en qualité de Directrice des ressources humaines à temps plein. Placée en arrêt maladie continu depuis le 18 novembre 2013, elle a repris son travail dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique. En 2017, son contrat de travail a été modifié en temps partiel en 2017. Elle est licenciée pour faute grave en 2019.
La salariée soutient que son licenciement est nul et que celui-ci aurait été prononcé à la suite de la dénonciation du harcèlement moral qu’elle prétend avoir subi. Elle soulève également que son entretien préalable a été réalisé par une personne extérieure à l’entreprise.
Solution de la Cour d’appel de Versailles
La Cour rejette les demandes de la salariée tendant à la reconnaissance du harcèlement moral, à la nullité de son licenciement et au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Elle relève que l’employeur, qui n’avait pas diligenté d’enquête interne, avait tout de même « pris position sur le sujet », répondu aux interrogations de la salariée, satisfaisant ainsi à l’obligation de sécurité qui lui incombe. La société est en revanche condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Concernant la demande formée pour la première fois en appel tendant à faire reconnaitre la procédure de licenciement irrégulière, la Cour l’estime irrecevable car « (Il) ne s’agit pas d’une demande tendant aux mêmes fins que l’indemnisation du préjudice lié à la nullité du licenciement ni d’une demande accessoire aux prétentions soumises aux premiers juges mais d’une prétention nouvelle formée en cause d’appel, tendant à voir indemniser un nouveau préjudice, sur un fondement juridique différent. »
S’agissant du salaire de référence permettant de fixer le montant des indemnités versées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges retiennent la moyenne des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail, durant lesquels la salariée était travaillait dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.
Solution de la Cour de cassation
S’agissant du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, les juges énoncent que le moyen n’est pas fondé, et que la cour d’appel a fait ressortir que l’employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, nonobstant l’absence d’enquête interne.
Cependant, l’arrêt d’appel est censuré sur deux points.
D’une part, s’agissant de la demande formée au titre de l’irrégularité de la procédure, la Chambre sociale casse l’arrêt au visa des articles 565 et 566 du Code de procédure civile. Les juges énoncent qu’en « se déterminant ainsi, sans rechercher, même d’office, si la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement n’était pas la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de la salariée tendant à dire le licenciement à titre principal nul, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
D’autre part, s’agissant de l’assiette retenue par les juges du fond pour calculer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges censurent la solution au visa des articles L1132-1 du code du travail (dans sa rédaction applicable à l’espèce), les articles L1234-5, L1235-3, L1234-9 et R1234-4 du même code. Ils énoncent ainsi qu’il « résulte de la combinaison de ces textes que lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu’il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé et que l’assiette de calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé. »
Remarques :
Sur le manquement à l’obligation de sécurité, l’avocate générale concluait à la cassation en soulignant qu’en ne diligentant pas d’enquête interne, il pouvait être reproché à l’employeur une « abstention fautive » (page 9 de l’Avis). La solution semble en retrait par rapport à une précédent décision de 2019 (Cass. soc., 27 novembre 2019, 18-10.551), dans laquelle la Cour avait cassé une décision d’appel ayant débouté une salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité au motif qu’aucun agissement répété de harcèlement moral n’ayant été établi, il ne pouvait être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et par là-même d’avoir manqué à son obligation de sécurité.
Sur le salaire de référence retenu pour calculer le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation suit l’avis de l’Avocate générale selon lequel il convient de « neutraliser » la période durant laquelle la salariée était en mi-temps thérapeutique et donc les « effets néfastes de l’état de santé » de lasalariée (p. 13-14 de l’Avis).
La Chambre sociale étend ainsi à l’indemnité de licenciement san cause réelle et sérieuse la solution qu’elle a déjà posée concernant les modalités de calcul des droits d’une salariée au titre de la réserve spéciale de participation (Soc., 20 septembre 2023, n°22-12.293).