Déduction de la durée des CDD de la période d’essai du contrat en CDI : une interruption d’un mois entre les CDD ne fait pas obstacle à la prise en compte de la durée  totale des CDD en l’absence de « discontinuité fonctionnelle » (Cass. soc. 19 juin 2024, n°23-10.783)

Faits : Une infirmière est engagée par une société en contrat à durée déterminée du 18 mai au 31 mai 2017, puis du 1er juin au 30 juin 2017 et du 1er août au 30 août 2017 avant de signer un contrat à durée indéterminée avec cette même société débutant le 4 septembre 2017. Ce contrat stipule une période d’essai de 2 mois. Le 15 septembre 2017, l’employeur rompt la période d’essai. La salariée demande l’inopposabilité de la période d’essai. Selon elle, les périodes travaillées en CDD pour le même employeur auraient dû être déduites de la période d’essai, laquelle était donc écoulée au moment de la rupture par l’employeur des relations de travail.

La salariée s’appuie sur l’article L.1243-11 du code du travail, qui pour rappel, prévoit que la durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue au nouveau contrat de travail.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboute la salariée de ses demandes : La Cour estime qu’au regard de la période d’interruption d’un mois entre le 2ème et le 3ème CDD, seul le dernier CDD du 1er au 30 août 2017 doit être déduit de la période d’essai, laquelle aurait donc toujours été en cours à la date de la rupture. Les juges du fond considèrent en effet que, si les CDD successifs exécuté chez un employeur, pour lequel le salarié a exercé le même emploi, doivent être déduit de la période d’essai éventuellement prévue au nouveau contrat, cela ne vaut que « pour autant qu’il s’agisse d’une chaîne de contrats qui se succèdent sans interruption ».

La Cour de cassation censure cette solution pour violation de l’article L.1242-11 du code du travail, la salariée ayant « exercé (…) en qualité d’infirmière dans les différents services de soin sans discontinuité fonctionnelle, ce dont il résultait que la même relation de travail s’était poursuivie », en dépit du constat d’une « période intercalaire » d’un mois entre le 2ème et le 3ème CDD. La durée de ces trois CDD devait être déduite de la période d’essai.

Cette solution confirme l’abandon du critère du caractère successif des contrats qui n’apparaissait déjà plus dans un arrêt rendu le 9 octobre 2013 publié au Bulletin, sans que cet abandon ait été explicite (Cass. Soc. 9 octobre 2013, n°12-12.13). Désormais, le critère n’est pas tant celui d’une succession temporelle stricto sensu que celui d’une absence de « discontinuité fonctionnelle ». De manière pragmatique, il s’agit de constater que les relations entre les différentes parties n’ont pas réellement été interrompues.

Comme le souligne l’avocate générale dans ce pourvoi, et ainsi qu’il en découle des termes de l’article L.1221-20 du code du travail, l’objet de la période d’essai est d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. Aussi, les dispositions portant, tant sur le recours à la période d’essai, que sur le recours au CDD, sont enserrées dans des conditions strictes visant à limiter les abus, afin de protéger des salariés se trouvant considérés comme précaire par le droit. La position adoptée suit l’essence de la loi.

Cette solution apparaît transposable aux autres formes de contrats. La jurisprudence déduit déjà de la période d’essai les durées pendant lesquelles le salarié a pu exercer des fonctions équivalentes sous contrat de prestation de services (Cass. Soc., 21 janvier 2015, pourvoi n° 13-21.875), ou de mise à disposition (Cass. Soc., 13 juin 2012, pourvoi n° 11-15.283).

Ce que cet arrêt ne précise pas, c’est la question de savoir si la solution serait la même si le poste occupé avait été différent entre les CDD et le CDI.

Dans l’arrêt de 2013 précité, la Chambre sociale a indiqué qu’« il importe peu que le salarié ait occupé le même emploi, en exécution de différents contrats ». Il semble donc que la solution serait la même, mais la question fait toujours débat en doctrine.

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