Egalité de traitement des salariés en télétravail :  Soc., 24 avril 2024, 22-18.031

Faits : En raison de la pandémie, la SA Enedis, filiale de la société EDF, a mis en place un « plan de continuité d’activité » le 12 mars 2020 permettant de mettre en place un service minimum pour assurer la fourniture en électricité et la sécurité des biens et des personnes. D’autres agents ont été placés en télétravail.

Dans le cadre de ce plan, un accord collectif conclu le 12 mars 2020 prévoyait notamment un « droit d’indemnité de cantine fermée » au profit des salariés travaillant sur site et amenés à déjeuner habituellement dans un restaurant extérieur, à l’exclusion des salariés placés en télétravail.  

Un syndicat assigne la société en référé afin que le Tribunal ordonne sous astreinte le versement de l’indemnité à l’ensemble des salariés durant le plan de continuité d’activité pour chaque jour travaillé depuis le 16 mars 2020. D’une part, ils soutiennent que le critère de localisation des salariés n’est ni objectif et pertinent et qu’il ne saurait justifier une différence de traitement. En outre, ils soutiennent que les travailleurs à distance supportent des frais de repas supplémentaires auxquels ils ne sont pas exposés en temps normal, ce qui est contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L. 4122-2 du code du travail, selon lesquelles « Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs. »

L’arrêt d’appel retient que les salariés placés en télétravail et les salariés travaillant sur site se trouvent dans des situations objectivement différentes en raison de leur lieu d’exercice. L’indemnité ayant pour objet la prise en charge de frais professionnels de restauration extérieure auxquels les salariés en télétravail ne sont pas exposés, les télétravailleurs ne peuvent revendiquer le paiement de l’indemnité.

Le syndicat se pourvoi en cassation.

Réponse de la Cour de cassation : La Chambre sociale approuve et reprend le raisonnement de la Cour d’appel : « D’abord, l’indemnité de « cantine fermée » ayant pour objet de compenser la perte, par l’effet de la pandémie, du service de restauration d’entreprise offert aux salariés présents sur les sites de l’entreprise, la cour d’appel a décidé à bon droit que les salariés en télétravail ne se trouvaient pas dans la même situation que ceux qui, tenus de travailler sur site, ont été privés de ce service…. Ensuite, les salariés en situation de télétravail n’ayant pas vocation à fréquenter le restaurant d’entreprise, la cour d’appel en a exactement déduit que la fermeture administrative de ce restaurant en raison de la pandémie n’entraînait pas de charge financière supplémentaire pour les télétravailleurs.»

Pour mémoire, le principe général d’égalité de traitement est applicable à l’ensemble des salariés y compris les salariés placés en télétravail. Il signifie que les salariés placés dans une même situation au regard de l’avantage en cause doivent être traités de la même manière. Si l’employeur opère une différence de traitement alors que les salariés sont placés dans une même situation, cette différence de traitement doit être justifiée par des raisons objectives.

L’avis de l’avocat général concluait à la cassation. Selon lui, la fermeture du restaurant d’entreprise s’imposait à l’ensemble des salariés de l’entreprise « quel que soit leur mode de travail ».

La Cour de cassation n’a pas suivi cet avis. L’indemnité avait pour objet de compenser les difficultés rencontrées par les salariés continuant à travailler sur site sans solution pour se restaurer. Cette situation n’étant pas subie par les salariés en télétravail.

La décision est bienvenue et nous semble cohérente avec la jurisprudence antérieure. Pour autant, les questions d’égalité de traitement des salariés en télétravail ne sont pas encore toutes résolues, compte tenu de la rédaction des textes applicables, qui semblent poser un principe d’égalité absolue entre les télétravailleurs et les autres salariés cf. l’article L 1222-9 du code du travail et l’ANI de 2020.

Il convient de rester très vigilant sur ces questions.

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